Se perdre dans les villes, trouver les mots pour le dire : citations inspirantes
Espèces d’Espaces
Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner.
On ne découvre la vraie clarté qu’au bas de l’escalier au souffle de la porte
Mélanges
Qu’est-ce-que « donner les outils » ? (Philippe Cassard)
Apprendre à savoir travailler seul. Devenir autonome.
« …Nous sommes l’abrégé de ce qu’il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables. Quand Prométhée voulut former l’homme, il prit la qualité dominante de chaque bête. » (Jean de la Fontaine, préface des Fables)
» Non chiederci la parola che squadri da ogni lato | Ne nous demandez pas le mot qui puisse tout délimiter ». 1923 (Eugenio Montale)
« Je n’ai pas troublé l’eau du bénitier parce que ma main droite est depuis toujours plongée dans l’eau glacée du langage. Dans ta jeunesse tu pêchais les truites à la main. J’essaye ça, avec les mots. »(Christian Bobin)
La vraie vie, celle des formes vécues, est un magnifique petit bordel »
Yannick Haenel en hommage à André S. Labarthe
Êtres et objets éphémères : frontières des archives
Est-il possible de concilier, dans le cadre de la recherche en littérature, un ensemble d’objets provenant des archives et un choix d’autres objets procédant de fictions ? Un tel geste nous met, en tout cas, face à de nouveaux enjeux théoriques et analytiques.
Il faudrait partir de ce que les archives ne contiennent pas, de ce que nous ne savons pas sur la foule de « personnages » dont il ne reste souvent qu’un fragment écrit ; ces êtres qui peuplent les archives peuvent donner lieu à des fictions (comme dans le cas, bien connu du Martin Guerre de Nathalie Zemon Davis), ou devenir objet d’étude des sciences humaines et sociales – et donc être cités, racontés, ou répertoriés de diverses façons.
Arlette Farge et Philippe Artières se sont, eux aussi, penchés sur cette question et ils ont signalé que notre imagination scientifique se projette à la fois sur le contenu des archives et sur tout ce qu’elles n’ont pas conservé – les rebuts les restes, les « poubelles ».
(…) La complétude illusoire des archives s’opposerait ainsi à l’incomplétude de chaque objet conservé et à son manque de contextualisation. Or on peut se demander, s’agissant de tels fragments sans suite ni continuité, ce qu’il y a dans ces « voix écrites» qui nous incite, nous chercheurs, à les conserver à les citer, même lorsque ce n’est pas nécessaire dans l’économie de nos travaux.
Commentaire 1
Il s’agit ici de littérature, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’urbanité et de l’incomplétude du saisissement du double caractère, tout à la fois fixe (et stratifié par la longue durée) et éphémère, de la ville.
Les passants, les citadins en seraient les personnages dont l’ensemble des gestes, mouvements, rythmes, sensations, ponctuels, éphémères par nature, non « gravés » dans les formes durables, qui font ville, et qui sont plus que toute autre chose peut-être contexte, inscriptions, écritures de vie, ne sont pas collectés, archivés et échappent ainsi à la pensée « transformative » des espaces habités, pratiqués.
Commentaire 2
Un évènement tel que l’actuelle pandémie, individuel et planétaire, ne peut-il être pré-texte, précisément, à porter une nouvelle attention à ce que nous regardons, collectons, considérons comme important pour penser la ville ?
L’amour des villes : penser en mouvement ou lier pensée et action
J’habite une mégapole depuis ma naissance et depuis ma naissance la ville m’habite ; depuis ma naissance la ville me dévore et je dévore la ville. Pour moi, elle n’est pas un objet mais une pratique, un mode d’être, un rythme, une respiration, une peau, une poétique. La ville comme autobiographie.
Régine ROBIN, Mégapolis. Les derniers pas du flâneur.
Aimer c’est décentrer… le regard. Ne pas cesser de questionner, ne considérer comme jamais acquis les modes d’analyse et d’action. Chercher, c’est décentrer, pour interroger, soumettre à la question les réponses qui se supposent définitives.
Anne Cheng (Collège de France)
Projets d’articles à entreprendre
La rue Caron de Beaumarchais est devenue « Passage Benjamin » : La ville de Paris a voulu faire la maline. Ceci n’est pas un passage.
On ne fait plus de passages, cet espace urbain de l’ambivalence, du frôlement, du « sens entre les lignes ».
Observer – (D)Ecrire
le mot (et l’action collective) obsessionnel(le) (B. Latour) : décrire
L’exercice : Décrire sans aucun chiffre.
Régine Robin, source d’inspiration du moment, cite Walter Benjamin, qui, de tout temps résonne en chacun de nos pas, vrais ou faux, Note de bas de la page 85 à propos de « l’effondrement de l’aura dans l’expérience du choc » : » Ce choc, Benjamin l’a évoqué avec toutes ses conséquences dans Le Conteur et dans d’autres textes.
Il emprunte la notion à Freud, parlant des traumatisés de la Première Guerre mondiale qui auraient perdu la parole et la possibilité même de narrer, de raconter, de mettre en récit ce qui leur était arrivé, et qui n’étaient plus capables de mobiliser une expérience (Erfahrung) véritable, qui vient des épaisseurs du vécu et de la mémoire ; à la place, le choc (Erlebnis). »
Hommages
Je ville, tu villes, nous villons. De vie en vie, nous dérivons. Hommage à Jacques Demy.
Ecriture métagraphique. De Paris à Montréal. Debord, Chtcheglov, Straram.
Projet (urbain) : de qui (sujets) et de quoi (objet) parle t-on ?
A force (ou à faiblesse) de n’en plus avoir, ou qu’il soit en suspens, j’ai envie de travail.
Travailler sur les paradoxes et richesses de la notion de « projet », telle que devenu dans sa banalité grandiloquente le couteau suisse de la profession aménagiste.
Elle est à a fois capable de formidablement mobiliser comme un mouvement vers ce qui n’est pas encore et qui porte en lui tous les possibles d’un meilleur lendemain auquel chacun aurait participé à la réalisation.
Mais cette notion semble aussi porter en elle l’expression de l’impossible angoisse ouverte par ce mouvement, la volonté de représenter – se représenter, faire représenter et présenter.
Travailler sur les paradoxes et richesses de la notion de « projet », telle que devenu dans sa banalité grandiloquente le couteau suisse de la profession aménagiste.
Dans la déclinaison de ces trois formes verbales proches mais distinctes, on retrouve non seulement l’éventail des compétences communément convoquées pour cet acte circonscrit de projeter, mais aussi, l’idée de la nature et de l’ampleur des moyens, de l’énergie dévolue à cette interprétation, cette captation univoque et proprement destructrice du projet.
Car il s’agit, par l’obsession de cadrer, de définir, de limiter, de vouloir (bien) faire avant d’agir, d’empêcher ainsi les sujets de se construire acteurs de… l’action.
Cela est difficile à appréhender car mettant en cause des modes de pensée et leurs organisations institutionnalisées que l’on doit prendre le temps de déplier ce qui est à l’oeuvre dans cette entreprise de destruction qui s’affirme construction « les pieds dans la glaise de la réalité », fusse au prix d’une formidable méprise entre construction de normes et bricolage savant avec le réel.
Malgré ces obstacles, la forme d’un dialogue entre personnages porteurs de convictions et de doutes irréconciliables et dont on mettrait en scène l’entrechoquement me semble une idée à tenter.
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