Du fragment au montage : un voyage urbain
J’ai seulement fait ici un amas de fleurs étrangères, n’y ayant fourni du mien que le filet à les lier.
Contrepoint
Les énoncés globalisants tels qu’en proposent la communication, et plus précisément le marketing – dont le terme globalisant phare est de considérer que tout peut être une “marque” – ont imposé à tous et à tous les domaines les règles du format court et l’illusion de l’appréhension immédiate et consensuelle. Ainsi, l’on fait prendre non seulement les vessies pour des lanternes mais la formule lumineuse pour le réel. J’affirme, en contrepoint fragile :
- Mon goût pour le fragmentaire et le patient travail qui consiste en un montage partiel et partial de parcelles.
- L’intérêt de tentatives incessantes de rendre compte de l’illisibilité irréductible du réel et de conserver de lucides et “réelles distances” entre le monde et ses constructions ou représentations, aux fins d’en assurer la diversité durable.
- Me concentrer pour dire et rendre supportable un peu de l’éparpillement et du chaos fondamental plutôt que d’adhérer à la brutale évidence des emboitements qui seraient, de toute éternité, parfaitement huilés.
- Avoir la patience du jeu de construire l’assemblage de pièces, mentales ou matérielles.
L’urbanisme des formes composites et mobiles
L’attention aux fragments et aux montages parcellaires ne signifie pas un renoncement aux grandes formes, mais une distance critique par rapport aux cadres et aux normes préfixées. Je doute donc je regarde, m’attarde. J’ai conscience de ne pas tout voir, tout dire, tout englober ni tout affirmer.
Raconter les nœuds, le rugueux, les aspérités, ce qui résiste aux évidences plutôt que débiter une trame unique, construite sur une manière de catégoriser qui, une bonne fois pour toutes, aurait compris les phénomènes urbains.
L’expérience nous montre qu’il est intellectuellement extrêmement complexe de réussir à faire se comprendre puis à composes entre eux des systèmes de représentation différents des espaces conçus, construits et habités.
Ils convoquent en effet des champs disciplinaires, de formation comme d’exercice professionnel – soit aussi d’action- variés. Et pourtant, quelle richesse de créativité projectuelle collective est sans doute à la clé de cet exercice ! Tentons d’expliquer un peu plus cela.
De la planification au Do It Yourself (DIY)
Y a t-il évolution ou cohabitations de mondes étanches, ou bien, ce que fait le web à la ville serait-il à chercher autant dans les rues que dans les têtes ?
La profusion des outils numériques d’auto-production -entreprenariat, -promotion, formation questionnent le gouvernement public de la Cité.
Nouvelles frontières, nouvelles divisions
Comment inciter à un travail de définition des besoins qui soit lié à une situation précise (ce qui veut dire, entre autres, de ne pas préjuger ce qu’elle a de singulier et de récurrent à d’autres situations ? Pour ce faire, il faur accepter de conduire (financer) une recherche patiente, méticuleuse d’observations pour comprendre ce qui est là précisément et renoncer à l’habituel copier-coller de cahier des charges. On pourrait ainsi, maîtrise d’ouvrage et assistant à maîtrise d’ouvrage oeuvrer à :
- Déplacer les lignes de fracture, qui sont parfois montagnes, entre conception et gestion pourraient bien être dès aujourd’hui une jolie occupation pour le “monde d’après”.
- Concevoir l’ingénierie comme itération et non une frontière, un séquençage fermé, de l’expression des problèmes à celle des besoins, compris comme les propositions de solutions aux problèmes énoncés.
- Eviter l’écueil du malade qui fait sa propre ordonnance. Pour cela, la description et la formulation des problèmes sont des tâches collectives et dialectiques à envisager par un travail à plusieurs regards et voix.
- Revenir sur le faux consensus du bien-fondé, pour l’analyse des situations urbaines, d’un empilement de compétences micro-spécialisées.
- Apprendre à capitaliser sur les trois domaines, de la connaissance, des débats et de l’action.
Territoire à chaleur ajoutée
Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la difficulté ne me semble pas de passer de l’idée au projet, mais plutôt un défaut de déploiement de ressources pour mettre en face des projets, les moyens – c’est à dire sutout les compétences- que nécessitent leur conception. La difficulté récurrente est celle d’assembler, de composer (avec le composite des actions, des acteurs et des organisations) de nouvelles relations par l’action.